Samedi 05 septembre 2009
GABIETOU ORIENTAL
PAR L'ARETE NORD OUEST (AD)
TAILLON
DOIGT DE LA FAUSSE BRECHE (AD-)
Avec Cyril Renailler
Vendredi 04 septembre:
21h30, arrivée tardive à Gavarnie, nous montons au col des Tentes dans la purée de pois nocturne, installation de la tente sous la bruine et au lit en vitesse. La nuit est ponctuée jusqu'assez tard, par l'arrivée d'espagnols qui se croient à la maison. Résultat, nuit bien peu reposante pour moi, Cyril comme d'habitude à peinne allongé s'endort comme une masse.
Samedi 05 septembre:
6h réveil, 7h départ. Nous allons au Gabiétou, mais par quel chemin? Au port de Boucharo, en empruntant le sentier de la brèche de Roland, l'arête ouest (itinéraire 207 du guide Ollivier Cauteret-Vignemale-Gavarnie réédition 1996) est éliminée. Nous partons au pied de la face nord du Taillon, direction la corniche Passet (itinéraire 204) qui s'élève vers le glacier des Gabiétou. Puis, finalement, éliminant la vire et la face nord du Gabiétou (it. 205), nous repartons plein ouest dans le pierrier pour aller à la brèche des Tourettes au pied de l'arête nord ouest (it.206). Là au moins, nous n'avons plus à chercher ou aller : il n'y a plus le choix.
En long ou en large...
Fraîche et rapide montée au dessus d'une mer de nuage somptueuse sous l'éclairage matinal. Nous progressons sur un névé dur ou nous sortons piolets et crampons, puis un bref couloir croulant et une petite dentelure nous dépose à la brèche.
Du grand spectacle ce matin à Gavarnie... L'arête nord ouest du Gabiétou oriental
A gauche du sommet des Tourettes, la brèche et le départ de l'arête
Cyril arrive à la brèche
Encordement. Nous sommes partis avec un seul brin de la corde à double (bien remise du couloir de la Fourche à l'Ossau après son lavage en machine, voir message de la semaine dernière), donc les longueurs ferons 30m maxi aujourd'hui.
9h passées, un départ déversant en mauvais rocher (IV) finit de me réveiller, avant de continuer à m'élever au dessus de la brèche. Le rocher est plus qu'à surveiller. Relais sur friends. Je continue, traversée sur la gauche, rocher toujours aussi peu sûr, j'arrive en bout de corde au milieu d'une dalle. Ni sangle, ni friends, ni coinceurs ne peuvent servir, mais aujourd'hui...comme j'ai prévu de grimper sur le Doigt, et que je ne sais pas s'il y a un relais pour en redescendre, j'ai jeté mon marteau et trois clous dans le sac. Ca tombe bien, les voilà qui trouvent leur utilité plus tôt que prévu. Relais sur deux pitons (moyennement enfoncés histoire de les récupérer). Après, Cyril passe devant, et nous continuons en corde tendue sur un terrain moins raide, plus franc, agrémenté d'armoises laineuses (génépi).
Dans le terrain à génépi
Nous revenons vers l'arête, puis repartons sur la gauche. Je repasse devant, rochers plus raides à nouveau, mais bien plus sains, quelques jolis pas, avant de rejoindre sur le flan oriental une succession de vires.
Sur l'arête
C'est un jeu amusant que de les suivre, elles strient la face, sont peu raides, mais versent légèrement sur la face. Elles sont recouvertes de cailloutis peu sûrs, mais les rochers qui les bordent offrent de bonnes prises. Tantôt en ascendance vers la droite pour revenir vers le fil de l'arête, tantôt en ascendance vers la gauche, nous nous élevons ainsi, quasiment tout le temps en corde tendue.
Cyril dans les vires ascendantes du Gabiétou
Nous rejoignons une brèche, Cyril repart devant, surmonte un joli passage en adhérence, passe une nervure, avant de rejoindre une nouvelle vire à flanc. Je la remonte ensuite, elle aboutit à une brèche dont l'accès est défendu par une petite cheminée déversée. Joli passage.
Dans la partie finale sur l'arête nord ouest du Gabiétou occidental
Au delà, par des rochers faciles et un pas de ci de là, nous parvenons aux anneaux à la cime du Gabiétou oriental (13h). Accolade, puis nous posons les sacs et faisons l'aller-retour au sommet occidental, plus élevé. A 13h30, pause repas avant de descendre brièvement sur le col des Gabiétou (15h). 35 mn de remontée nous déposent au sommet du Taillon. Nous ne nous y arrêtons pas, et 15mn après, nous sommes au pied du Doigt de la Fausse Brèche.
Du Gabiétou occidental, vue sur le sommet oriental et le Taillon
Depuis un jour funeste de juillet 1992, ce n'est jamais sans une certaine émotion que je repasse dans les parages. Ce jour là, fuyant le sommet du Taillon sous un orage aussi soudain que violent, à quelques mètres de nous, un jeune allemand de 18 ans mourrait foudroyé. Johannes Schmidt avec d'autres personnes dont sa mère, son frère et sa soeur, s'était réfugié dans la petite grotte s'ouvrant au pied du versant nord du Doigt. La foudre, en le frappant, avait fait exploser le sommet, avant de suivre probablement une fissure interne dans la roche du monolithe, de traverser la grotte et d'en rejaillir en boule de feu se perdant dans le néant. Quelques instants avant le drame, bien conscient du risque potentiel que représentait cet abri -qui pouvait cependant avoir une allure providentielle dans cette furie -, nous nous étions, avec le groupe de jeunes que nous accompagnions alors, réfugiés un peu plus loin, sous les premiers remparts du pic Bazillac.
Les parents de Johannes Schmidt étaient revenus à Gavarnie pour fêter les 18 ans de leur fils ainé, qu'ils avaient conçus lors d'un séjour sur les lieux. C'est dans ces même lieux qu'ils le perdirent à jamais."La brèche de Roland" avec Mathieu Almaric, le film des frères Larrieu, réalisateurs tarbais, est, paraît-il inspiré de cette histoire. Une plaque commémorative a été scéllée au pied du Doigt, sur la gauche de la grotte. J'avais 21 ans, j'ai mis longtemps avant de revenir au Taillon...
In Memorian Johannes Scmidt
Les chaussons d'escalade sont restés accrochés au sac sur la nord ouest du Gabiétou, je les enfile avant de m'élever dans la cheminée verticale à gauche de la grotte. 25m et quelques friends plus haut, j'arrive au sommet. Petite escalade amusante AD-, rocher médiocre dit le guide Ollivier (it. 214). Mais finalement, le rocher est quand même acceptable (III+). Il y a un relais équipé, mais les sangles me semblent dater un peu, je préfère en passer une en plus autour d'un gros bloc posé sur le replat sommital. Petit tour au sommet, pause photo, puis descente en moulinette.
En 1887, pendant que François Bernat-Salles dormait "philosophiquement" au pied du Doigt, Henri Brulle, Jean Bazillac et Célestin Passet avaient quant à eux employé 3h à en réussir la première ascension, par ce même itinéraire. Après cela Henry Russell s'exclamait avec malice, en désignant son ami Brulle : "Il a monté le Doigt de la Fausse Brèche, il a monté le Doigt de la Fausse Brèche!" (voir Brulle Henri, Ascensions, Sirius 1986, II, p.16).
Au sommet du Doigt, devant le pic Bazillac. Sur la gauche, la cheminée d'ascension.
Cyril part à son tour, mais la corde ne coulisse pas, on bataille pas pendant des heures, finalement je tends la corde, puis il monte avec un noeud de Prussik, récupère la sangle et redescend en rappel sur le relais.
Cyril dans la cheminée du Doigt
17h sonnantes, sacs bouclés, on file au triple galop, passons à la brèche de Roland et au refuge des Sarradets sans nous arrêter. A 18h10, nous sommes revenus au col des Tentes. C'est qu'on est attendu à la grange de Holle pour 19h. Nous arrivons même avant, ça change du we dernier...
1 commentaire:
Oui, j'étais moi aussi à GAVARNIE lors de ce triste accident à la fausse brêche. J'y repense souvent en arpentant les lieux du cirque, vraiment pas de chance !!
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